Au centre d’une affaire troublante qui ébranle la crédibilité des institutions culturelles marocaines, des documents bancaires officiels — que nous avons consultés — révèlent l’implication de la réalisatrice Narjiss Nejjar, actuelle directrice de la Cinémathèque marocaine, dans une série de transferts financiers suspects et réguliers émanant d’une société norvégienne controversée.
Les relevés bancaires émis par la banque DNB en Norvège montrent des virements mensuels effectués entre 2020 et 2022, crédités sur un compte bancaire personnel de Mme Nejjar en France, à l’insu — selon nos informations — du Centre Cinématographique Marocain, du ministère de la Culture, et de l’Office des Changes.
Plus de 146 000 euros transférés discrètement
L’analyse des documents révèle un total de 146 700 euros, soit l’équivalent de près de 1,5 million de dirhams marocains, versés sur le compte de Narjiss Nejjar. Ces fonds sont justifiés par des “droits d’auteur et de réalisation” liés à un projet intitulé Les Enfants de la Nouvelle Terre — dont la traçabilité, l’état d’avancement ou même l’existence effective restent flous.
Un soupçon de blanchiment d’argent ?
Ce qui rend l’affaire plus préoccupante encore, c’est l’identité de l’expéditeur de ces fonds : Egil Ødegård, un ressortissant norvégien visé par des enquêtes pour fraude dans son pays. Il est également la partie requérante dans une procédure arbitrale internationale contre Narjiss Nejjar, qui s’est soldée par une condamnation à verser 4 417 636 dirhams pour “rupture abusive de contrat”.
Dès lors, des interrogations légitimes émergent :
S’agirait-il d’un montage sophistiqué visant à transformer des fonds d’origine douteuse en une créance arbitrale légalisée ?
L’affaire relèverait-elle d’un cas classique de blanchiment d’argent à travers l’outil cinématographique et contractuel ?
Des institutions absentes : négligence ou silence stratégique ?
Le plus troublant reste l’absence totale de réaction institutionnelle.
Aucune trace d’un compte déclaré auprès de l’Office des Changes.
Aucune déclaration officielle de la part du Centre Cinématographique Marocain.
Aucune alerte du ministère de tutelle.
Toutes ces opérations auraient donc été effectuées à l’insu des instances concernées.
Dans ce contexte, une question s’impose : la justice marocaine — notamment le parquet, l’Office des Changes, l’Inspection Générale des Finances et l’Instance nationale de probité — déclenchera-t-elle une enquête officielle pour éclaircir ces faits et engager les procédures adéquates ?
Une fonction officielle remise en question
Il est aujourd’hui difficilement concevable qu’une responsable d’un établissement public, percevant un salaire de l’État marocain, puisse entretenir une relation contractuelle et financière privée avec une entreprise étrangère, sans alerter les mécanismes de contrôle.
Les faits, dans leur gravité, posent la question suivante :
Comment une haute responsable publique a-t-elle pu gérer un compte bancaire étranger non déclaré, recevoir des paiements mensuels de source étrangère, et se retrouver dans une procédure arbitrale à l’international — sans que cela ne suscite le moindre signalement ?
Où sont les responsables ?
- Le ministère de la Culture a-t-il été informé ? Si oui, pourquoi ce silence ?
- Le directeur du CCM a-t-il manqué à son devoir de supervision ?
- L’Office des Changes a-t-il été notifié de l’existence de ce compte à l’étranger ?
- L’Inspection Générale des Finances et l’Instance de probité sont-elles saisies ?
- Faut-il attendre une crise diplomatique ou médiatique pour déclencher une action ?
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